vendredi 18 juin 2010

Le rituel de la célébration du mariage coutumier chez les Baluba du Kasaï

Le rituel de la célébration du mariage coutumier chez les Baluba du Kasaï

Dans la foi chrétienne, le sacrement du mariage entre deux êtres correspond au sacrement de l'Alliance. De la même façon que Dieu fait alliance avec son Église, c'est à dire son peuple, l'homme et la femme font "alliance", et échangent leur consentement pour ne former plus qu'un, jusqu'à ce que la mort ne les sépare. C'est pourquoi on retrouve dans la célébration du mariage la présence du symbole des 2 anneaux de mariage : les alliances.Rappelons aussi au niveau de la foi chrétienne les quatre conditions du mariage, qui sont : la liberté, l'indissolubilité, la fidélité et la fécondité, acceptés et désirés par les deux époux. Le Mariage, hormis les festivités proprement dites et tout ce qui y a trait, reste l' union sacrée et solennelle entre deux êtres humains, un homme et une femme qui se promettent mutuellement et devant Dieu, de s'aimer, de se respecter, et ce malgré les difficultés de la vie courante. Rappelons aussi que ce que Dieu à unis, nul ne peut les séparer...( Mt 19,9 ;Mc 10,11-12 )
Nous ferons une petite étude comparative à la fin de notre rituel entre le mariage coutumier et le mariage chrétien.

1. Première phase : Recherche d’une fiancée

· Chez les Baluba du Kasaï, quand un jeune homme arrive à l’âge où l’on se marie, il doit, avant toute démarche en vue du mariage, prouver qu’il est devenu un homme, qu’il est désormais capable d’entretenir une famille par son travail. Il doit donc construire une maison pouvant abriter une famille, et, soit par la culture des champs, soit par un travail rémunéré, montrer qu’il est capable de pourvoir aux besoins de sa future famille, tout en apportant sa contribution à la vie du clan, conformément à la loi de solidarité clanique.
· Quand à la jeune fille, depuis longtemps, sa maman s’est déchargée progressivement sur elle des travaux domestiques quotidiens, pour la rendre capable de s’en tirer aisément au moment de fonder son propre foyer. Elle va chercher de l’eau à la source, ramasser du bois sec en brousse, fait la cuisine, etc.
· Qu’arrive-t-il quand le jeune homme trouve une jeune fille qui lui plait ? Il lui demande si elle veut bien l’épouser. Si le jeune homme plaît à la jeune fille, elle marque son consentement, et va conduire le jeune homme chez son père. Elle le présente en disant que c’est celui-là qu’elle veut épouser. Les parents examinent le jeune homme, et demandent ensuite à leur fille si son consentement est donné du fond du cœur, si elle veut réellement de ce jeune homme.
· A leur tour, les parents doivent se prononcer pour ou contre le mariage. Ils s’informent d’abord de la personne du jeune homme, de sa famille, de son village, de son travail, etc. Ils doivent s’assurer que leur jeune fille ne tombe pas sur un faînéant ou un malfaiteur, ou que le jeune homme n’appartient pas à un clan avec lequel la coutume interdit toute alliance matrimoniale. Quand tous les renseignements sont satisfaisants, ils donnent leur consentement.
· Les parents de la jeune fille ayant marqué leur accord, on conduit le jeune homme chez l’aîné de la parentèle qui doit fixer le montant de la dot. C’est là qu’a lieu ce marchandage qui donne à la dot un caractère humiliant pour la jeune fille, d’autant que chez les Baluba du Kasaï, le taux de la dot est parmi les plus élevés de tout le Congo. Quand le deux parties se sont mises d’accord sur le montant de la dot, le jeune homme produit alors la petite somme qu’il a apportée , un quart environ de la somme totale , en présence de son propre témoin et du témoin désigné par la famille de la jeune fille. L’aîné fait alors préparer à manger au prétendant et à ses compagnons. Il s’agit d’un repas assez simple, le repas solennels ne commence qu’au deuxième stade de la procédure matrimoniale.
· Dans beaucoup de clans, la coutume est de produire la première partie de la dot, non pas immédiatement après fixation du montant de la dot, mais le lendemain. De même aussi dans certains clans, à ce stade de la procédure matrimoniale, le jeune homme ne reçoit pas à manger de la famille de la jeune fille, mais va manger chez des amis, le premier repas de la belle famille étant réservé aux aînés de la parentèle du jeune homme.[1]
Le jeune homme doit se comporter avec beaucoup de respect à l’égard des parents de la jeune fille, même à ce stade préliminaire. C’est ainsi q’au moment de demander la main de la jeune fille au père de celle-ci, il ne dit pas : « Je veux épouser votre fille », mais : « Je désir devenir votre fils », ou encore : « Je veux naître dans votre famille ».
Cette première phase se conclut par la remise de la première partie de la dot, appelée en tshiluba « mashimu »
Cérémonie : Avant d’accepter cette somme, les parents de la jeune fille interrogent une dernière fois leur fille pour s’assurer de son consentement, ajoutant qu’une fois la dot employée à autre chose, il serait trop tard pour exprimer un refus. Le refus dont on est prêt à tenir compte. La jeune fille ayant marqué son accord une dernière fois, ses parents acceptent alors ce premier versement, et indiquent au jeune homme celui à qui la dot est destinée. Ainsi se termine la première phase. On voit combien la liberté du jeune homme et de la jeune fille est respectée par les deux familles.

2. Deuxième phase : L’épreuve

La première phase étant conclue par l’acceptation de la première partie de la dot présentée par le jeune homme, et par le renouvellement de consentement de la part de la jeune fille, celle-ci est remise au prétendant par ses parents. Les deux jeunes gens peuvent se considérer comme fiancés, mais à titre provisoire. Le jeune homme conduit sa fiancée vers son village ou vers sa famille. Ils se conduisent très correctement l’un vis-à-vis de l’autre, en ce sens qu’ils ne se permettent encore aucun geste d’intimité.
· Le groupe s’arrange généralement de manière à faire son entrée dans le village ou la famille du jeune homme au moment du soir où il commence à faire noir. La jeune fille est toujours accompagnée d’une jeune sœur ou cousine. Celle-ci est envoyée en observation : elle doit étudier le jeune homme dans son milieu naturel, ainsi que sa famille et son clan, et rapporter ensuite à sa propre famille une masse de renseignements. La durée de ce temps d’épreuve est d’environ deux semaines.
· Avant d’entrer dans la parcelle de parents du jeune homme, la fille et sa sœur ou sa cousine, restent un moment au bord de la route pendant que les jeunes gens vont signaler leur retour. Les parents du jeune homme vont alors accueillir la jeune fille avec un cadeau, à savoir deux poules. Ce cadeau s’appelle en tshiluba : Cintu cya mulondo( tshidibo bakalonda natshio nsangakaji), :cadeau d’accueil et de bienvenue.[2]
· De son côté, la famille du jeune homme observe la jeune fille, lui confie des travaux de ménage et voit comment elle s’en acquitte, observe son comportement, etc.
La période d’essai est essentiellement une période d’épreuves aussi bien pour le jeune homme que pour sa fiancée. Pour d’autres lignages, c’est le moment pour le fiancé de se rendre compte de l’état ou de l’absence de virginité chez sa future épouse ; ce qui peut déterminer sa décision d’épouser la fille ou de renoncer au mariage. Parce qu’il doit se décider pour remettre ou non à sa belle-mère la chèvre dite « mbuji wa nyima ou mbuji wa bulami bulenga, laquelle n’est remise que par la personne qui a défloré la fille.
Pour la fiancée, les relations sexuelles avec le futur époux pendant la période d’essai servent à éprouver la force virile de ce dernier.

3. Troisième phase ou Conclusion du mariage
Traditionnellement la conclusion du mariage suit la période d’essai. Après le passage d’un émissaire envoyé par la famille de la jeune fille, qui vient acquérir les informations auprès de la jeune fille et de sa sœur qui l’accompagne. De leur côté les parents du fiancé cherchaient à savoir si oui ou non la fiancée avait donné satisfaction. Quand les deux rapports s’avéraient favorables, les visiteurs étaient alors reçus en hôtes de marque.[3] On leur servait à manger.
Lorsque les visiteurs avaient fini de manger, les deux familles se retrouvaient de nouveau, cette fois-ci pour conclure le mariage. En plus des représentants des deux familles respectives, et en plus des deux fiancés, devaient également prendre part à la conclusion du mariage deux témoins mâles et adultes, un pour chaque partie contractante et choisi par elle. La famille de la fille en rappelait le montant ainsi que tous les éléments constitutifs. La famille du fiancé faisait compter à haute voix la somme par son témoin. Celui-ci la remettait ensuite au témoin de l’autre groupe, qui à son tour la comptait à haute voix.
La « dot » remise, les parents de la fiancée, devant les deux témoins, demandaient à leur fille s’ils pouvaient la recevoir, c’est-à-dire si cette dernière acceptait sincèrement le mariage. On demandait de même au fiancé s’il acceptait le mariage d’un seul cœur, sans hésitation ni arrière- pensée. Lorsque, l’un après l’autre, les deux jeunes gens s’étaient prononcés en faveur de leur mariage, les parents de la fiancée recevaient la « dot » et à partir de ce moment le mariage existait, même si on n’avait versé qu’une partie de la « dot ».[4]
Le versement total de la dot crée à charge de la famille bénéficiaire l’obligation de tuer une chèvre pour la famille versante. C’est le mbuji wa nselanganyi ( chèvre d’épousailles), qui exprime la reconnaissance officielle du mariage par la famille de la jeune fille et qui tient lieu du repas de noces.
Après les contrôles de deux côtés des familles, avant que la jeune fille puisse aller chez elle, auprès de son mari, il y a une cérémonie à accomplir avant son départ définitif. Elle consiste à enduire de chaux, et à adresser une prière à Dieu et aux ancêtres pour qu’ils protègent la jeune femme, la rendent heureuse et féconde. Pourquoi on parle de mariage à l’essai ? Les jeunes gens doivent restés dans une période d’attente : Avoir des enfants est une condition essentielle pour le maintien de l’union conjugale. Dans nos milieux africains, l’infécondité est l’épreuve la plus terrible pour celui ou celle qui en est frappée : elle empêche tout bonheur véritable en ce monde.

Contraduction pratique du mariage coutumier vis-à-vis des exigences de l’Eglise Catholique


- le mariage conclu dans les conditions évoquées ci-dessus est en soi indissoluble, même en cas d’infécondité constatée de la famille.[5]
- Nous affirmons donc que le mariage en tant qu’union stable de l’homme et de la femme, est une institution naturelle, bien qu’il prenne naissance dans un libre échange de consentement.[6]
- Tandis que , la coutume permet le divorce en cas de mariage infécond, la religion catholique ne le permet jamais, dès lors que le mariage religieux a été consommé.
- Une femme inféconde, pour garder sa place dans son foyer, poussait et déterminait son mari à prendre une deuxième et même une troisième femme, selon leurs possibilités.
N.B L’aîné du clan ou de la famille joue le rôle du prêtre dans la célébration du mariage coutumier. La hiérarchie d’âge doit être rigoureusement respectée dans tout le déroulement de la procédure d’accès au mariage. Et c’est l’aîné qui, le premier, doit offrir à manger au prétendant.





[1] Fr. LUFULUABO, mariage coutumier et mariage chrétien indissoluble,Kinshasa,Les Ed. St Paul Afrique,1969,p.12-13.
[2] Fr LUFULUABO,Mariage coutumier et mariage chrétien indissoluble,Kinshasa,Les Ed. St Paul Afrique, 1969 ,p.15.
[3] M. MULAGO GUA CIKALA, Mariage traditionnel africain et mariage chrétien,Kinshasa,Les Ed. St Paul Afrique, 1981, p. 37.
[4]Ibidem, p.37
[5]Ibidem, p.38.
[6] Fr. LUFULUABO, Mariage coutumier et mariage chrétien indissoluble, Kinshasa, Les Edit. St Paul Afrique, 1969, p.28.

7 commentaires:

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  2. En l'absence de virginité chez la jeune fille, le jeune homme (fiancé) peut dissimuler cette vérité en donnant la chèvre appelée Mbuji wa nyima à sa belle-mère? Quelles en seront les conséquences?

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  3. Non la chèvre de défloraison est un cadeau de satisfaction pour encourager les parents dans l'education de garder les filles vierges avant le mariage.
    Il ne faut pas commencer une relation aussi importante que le mariage avec de mensonge.

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  4. Taatu Modeste kalumbandi . Votre article est interessant

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  5. Je soutiens cela avec succès parce-que c'est ma coutume et je suis fière et a l'auteur qui as eu l'idée de construire ce livre pour moi en tant que chercheur scientifique je soutiens son idée et c'est la meilleure.. Merci beaucoup

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